Nous l’avons vu la semaine dernière, l’entreprise de demain aura trois caractéristiques. Outre le fait qu’elle sera centrée sur l’humain, l’entreprise de demain sera plus simple pour être plus agile.
Une entreprise plus simple
Less is More
Ludwig Mies van der Rohe
La simplicité que doit viser l’entreprise de demain concerne son organisation, ses méthodes et bien sûr ses produits.
Une organisation simplifiée
Nous l’avons vu, la tendance lourde en matière de ressources humaines et de mettre les collaborateurs au centre de l’organisation.
Ces collaborateurs sont à la recherche d’autonomie mais surtout d’un management plus horizontal avec lequel les décisions sont prises plus rapidement.
L’holacratie
L’holacratie permet de simplifier l’organisation interne d’une entreprise. L’holacratie part ainsi du postulat que la mise en place d’un organigramme classique n’est pas utile. Pas plus que ne sont utiles, les fiches de poste. En effet personne ne les regarde jamais. Ce sont les compétences des salariés qui sont importantes et qui vont permettre de déterminer les postes de travail.
Pour que l’holacratie fonctionne, « le dirigeant doit accepter de céder son autorité aux règles du jeu« . Dès lors le pouvoir ne sera plus entre ses mains, mais dans des règles, matérialisées par un manifeste ou une constitution. C’est la « raison d’être » de l’entreprise ». L’holacratie implique, pour le dirigeant, de se débarrasser de toute vision, c’est inutile.
Dans cette entreprise d’un nouveau genre, on constate que la structure est vivante et qu’elle doit évoluer suivant les besoins. Cette nouvelle organisation, plus simple nécessite de régler les « tensions ». « Une tension existe dès lors qu’il y a un écart entre la situation que vit un collaborateur et un « potentiel » : un problème avec un collègue alors que cela pourrait bien se passer, un prospect qu’on n’arrive pas à transformer en client, un rôle dans le cercle qui n’est plus adéquat en l’état ».
L’holacratie a pourtant des limites. Ainsi, l’organisation mise en place plus remplacer la hiérarchie « codifie tellement la façon dont les choses doivent être faites dans l’entreprise qu’il en devient le chef ». Cette codification peut avoir des effets pervers. À une organisation bureaucratique traditionnelle sans discussion possible se substitue un système dans lequel les décisions semblent prises par un système de règles tout aussi strictes. Dès lors les collaborateurs ne s’y retrouvent pas. Le système semble plus flexible sur le papier mais ne l’est pas dans les faits.
Une mauvaise définition du manifeste peut engendrer des prises de décisions plus complexes et augmenter le nombre de réunions nécessaires pour les collaborateurs. Au final, suivant les entreprises, le stress n’est pas diminué et la vie n’y est pas plus simple.
Zappos, entreprise pionnière de l’holacratie y a d’ailleurs renoncé.
De plus, « l’holacratie ne facilite pas réellement la prise de décision et augmenterait le nombre de réunions, ce qui aurait tendance à rendre les salariés plus stressés ».
L’entreprise libérée
L’holacratie n’est pas en elle-même la panacée pour faire d’une entreprise une organisation libérée. L’entreprise libérée qui se différencie de l’entreprise classique en sept points peut être un bon compromis pour transformer efficacement son organisation.
L’entreprise libérée cherche à concilier le bien être de ses salariés et une grande productivité. À la différence de l’holacratie, l’entreprise libérée doit avoir une vision d’avenir portée par un leader. Ce dernier doit être exemplaire tant au sein de l’entreprise qu’à l’extérieur. L’humilité est le second caractère de ce leader exemplaire.
L’entreprise libérée doit partager ses valeurs avec l’ensemble de ses partenaires, internes et externes. Les salariés doivent être plus autonomes ce qui implique avoir moins de contrôle sur leur manière de réaliser les tâches demandées.
Cette autonomie plus grande peut passer par l’adoption du principe de subsidiarité au terme duquel une tâche doit être décidée et réalisée au plus près du terrain. Si une tâche nécessite l’implication d’autres salariés, la prise de décision ne remonte que d’un cran dans la hiérarchie. L’idée est de ne pas encombrer la direction générale pour des décisions non stratégiques.
Enfin, l’entreprise libérée peut passer par l’inversion de la pyramide managériale. Dans ce cas, la logique n’est plus « top -down » mais « bottom – up ». Les salariés deviennent force de propositions. Ils sont en effet en contact direct avec les clients dont ils peuvent faire remonter les besoins vers leur direction. Les managers deviennent davantage des coachs de collaborateurs que des donneurs d’ordres.
Des entreprises plus petites et plus simples
« La première erreur qui est souvent faite est de penser parts de marché« . Comme pour l’entreprise libérée une tout petite entreprise a tout intérêt à penser sa stratégie en mode remontant : « bottom-up » et non de façon descendante « top-down ».
Dans cette optique, une mono-entreprise ou une micro-entreprise a plus intérêt à se préoccuper « d’une stratégie de niche et d’élaborer une discipline de valeur claire et forte dans cette niche ».
Quel risque pour une TPE d’adopter une telle stratégie ? Sa survie va dépendre de sa capacité à changer le marché en étant flexible. Les TPE doivent refuser d’appliquer les règles classiques et appliquer la règle suivante : « nous sommes tous CEO ».
Dès lors les collaborateurs peuvent « passer 80% de leur temps à agir sur le marché parce qu’ils sont seuls à décider ». Avec cette stratégie, il faut être cher. En effet, vous n’avez que peu de « stock » ou de « matière grise » à monétiser. Vous vous devez d’être excellents et de faire que le prix ne soit plus un problème. Dans ce cas, le retour sur investissement du client doit être très important.
C’est également le cas des freelances et de leurs relations avec le management des entreprises. Ainsi les « PME, grandes entreprises et les ESN souffrent donc de devoir recruter dans un marché de l’emploi de plus en plus tendu ». « Dans un monde où l’innovation est devenue une vertu cardinale, l’agilité, la résilience et l’esprit d’entreprise deviennent des qualités de plus en plus critiques. La capacité à faire des connexions entre les individus (l’inclusion) devient plus essentielle que la capacité à exclure les individus pour générer du prestige (l’exclusion) ». C’est dans ce cadre étroit que les freelances, entrepreneurs individuels font le pont avec les salariés qui deviennent plus autonomes. La frontière entre entreprise individuelle et salarié s’estompe peu à peu.
Des salariés plus autonomes
Certains salariés n’ont pas attendu qu’on leur donne la permission de transformer leur entreprise pour commencer à le faire. Cela a donné des idées à des dirigeants d’entreprises qui ont commencé à promouvoir l’intraprenariat au sein de leur organisation.
Vers l’avènement de l’intraprenariat ?
Ces intrapreneurs ou corporate hackers sont les vrais innovateurs de votre entreprise, ce qui forgent son futur, petit à petit sans la permission de leur hiérarchie.
Les corporate hackers ne respectent peut-être pas les règles fixées ni par leur managers, leur dirigeant, mais ils font pourtant beaucoup pour leur entreprise. Ce qui compte pour eux, c’est le résultat, pas la méthode. Ce qui compte pour ces salariés est de remplir leur mission ou de mettre en place une autre mission plus intéressante, pour eux et au final pour l’entreprise.
Ce n’est pas le plus fort de l’espèce qui survit ni le plus intelligent. C’est celui qui sait s’adapter au changement
Darwin
Chaque entreprise à tout intérêt à laisser ces adeptes du changement agir à leur guise. Ces salariés qui donnent du sens à leur travail savent s’adapter et adapter leur entreprise au monde qui change rapidement. Ceux sont des innovateurs nés : ils trouvent des solutions dans leurs coins, perfectionnent ou inventent de nouveaux produits ou services. Ces salariés connaissent leur entreprise et son marché parce qu’ils y sont déjà présents. Ils ne demandent qu’à mettre leur vrai talent au service de leur employeur.
Pour favoriser ces salariés très autonome, quelques étapes sont nécessaires. Bonne nouvelle, ça ne vous coûtera pas une fortune. En revanche, comme c’est avant tout une question de culture d’entreprise, c’est un état d’esprit à mettre en œuvre. Le risque est que peu de vos salariés se sentiront concernés, dans un premier temps du moins.
Laisser le droit à l’expérimentation
La première étape est de rester bienveillant avec ces salariés qui veulent faire bouger les choses dans le bon sens.
Vous devez ensuite autoriser l’expérimentation pour tous. Dans un premier temps seuls les plus motivés se lanceront. Corollaire du droit à l’expérimentation, le droit à l’échec. En effet, quoi de mieux pour rassurer quelqu’un qui essaie que de lui dire qu’il peut se tromper.
Pourtant tout miser le corporate hacking ou les intrapreneurs serait une erreur. En effet, « La question est de savoir si « être plus entrepreneurial » permet la transformation de l’organisation; on peut en douter fortement ». Les corporate hackers restent dans le paradigme du sauveur : seul contre tous. La situation est paradoxal : les rebelles se mettent hors de l’équation de l’équation tout en faisant partie de l’organisation.
Sans compter que, « dès que le projet commence à vraiment toucher le cœur identitaire de la structure existante, les mécanismes immunitaires de cette dernière se déclenchent ». Enfin, transformer une entreprise, « c’est remettre en question les croyances et hypothèses sur lesquelles reposent le modèle actuel de l’organisation. Cela signifie qu’on va mettre le doigt sur des conflits durs entre valeurs de l’ancien monde et du nouveau monde ». Cette dimension politique n’est ainsi pas prise en compte par les corporate hackers.
Tous les salariés n’ont d’ailleurs pas la volonté d’être intrapreneurs. Pourtant pour l’immense majorité d’entre eux, « La flexibilité du temps et du lieu de travail devient pour eux un critère de plus en plus important, souvent davantage que le confort du bureau en tant que tel ». De même, « La généralisation des technologies de l’information et de la communication a à nouveau bouleversé le rapport au temps de travail d’une grande partie des travailleurs ».
Des méthodes plus agiles et rapides
Des méthodes de travail plus agiles
Avec des organisations plus légères, des salariés plus autonomes, le recours à la méthode agile va de soi. Ainsi , « la méthode agile est une organisation de travail en cycles courts ». Elle permet aux équipes de développement de gérer un produit de manière souple, adaptative et itérative. Ce procédé offre aux développeurs un retour d’information rapide sur le code produit et leur permet de délivrer des solutions correspondant aux attentes des clients ».
« Pour toute entreprise qui veut réussir sur un marché en évolution constante, l’agilité est un impératif. Chaque entreprise a pour objectif de devenir capable de saisir les nouvelles opportunités et de réagir aussi efficacement que possible aux attaques de la concurrence.
Les entreprises qui souhaitent entrer dans l’ère numérique en adoptant une méthode agile ne peuvent le faire que si leur plate-forme technologique présente trois caractéristiques : ouverture, modularité et extensible facilement.
Une simplification du financement des entreprises
Il n’y a pas que les méthodes de travail qui sont plus agiles. Le financement de l’entreprise peut être maintenant beaucoup plus simple et rapide avec l’initial coin offering. Cette méthode permet de lever des millions d’euros en quelques secondes. « L’initial coin offering est un nouveau mode de financement qui mêle crypto-monnaie et crowdfunding. Une combinaison qui séduit les start-up de la blockchain ». « Avec l’ICO, aussi appelée crowdsale, les jeunes pousses n’ont plus à attendre des mois avant d’avoir le « go » d’un fonds d’investissement. Pour lever via ICO, une entreprise doit émettre des tokens (ou jetons) sur une plateforme dédiée. Les tokens émis permettront à son détenteur de recevoir une partie des bénéfices générés par l’entreprise, comme un dividende avec une action ».
L’avenir des entreprises passe ainsi par davantage de simplicité dans leur organisation, leur management et la gestion de projet. Cela ne suffit toutefois pas. L’entreprise de demain devra également être plus authentique. Nous le verrons dans la troisième partie de cet article.
l’entreprise holacratique « libérée » de sa structure hiérarchique entraine aussi parallèlement des effets pervers : des risques psychosociaux liés à un stress et une anxiété dus à la hausse des responsabilités et de l’autonomie sans avoir nécessairement ni la compétence ni l’expérience, des risques individuels liés à l’excès d’implication et d’engagement … : http://www.officiel-prevention.com/protections-collectives-organisation-ergonomie/ergonomie-au-poste-de-travail/detail_dossier_CHSCT.php?rub=38&ssrub=164&dossid=581